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Guyane Des rencontres professionnelles pour une plus grande végétalisation des villes

Ce département d’Outre-mer cherche à développer sa filière horticole en misant sur l’ensemble des débouchés potentiels des plantes. Objectif : remédier à plusieurs problématiques spécifiques locales tout en générant de l’emploi.

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Il peut paraître paradoxal de promouvoir la végétalisation dans un territoire couvert à plus de 90 % par la forêt amazonienne. Pourtant, la Guyane fait face à de nombreux défis auxquels les plantes peuvent apporter des réponses : des îlots de chaleur pouvant atteindre 50 °C en ville, de nombreux projets d’urbanisation et de construction d’infrastructures, un contexte social plutôt complexe, avec un taux de chômage élevé chez les jeunes, et des problèmes d’accès à une alimentation saine.

Face à ces enjeux, la production locale est trop peu connue et une majorité de la quarantaine­ d’horticulteurs et pépiniéristes recensés doivent exercer des activités complémentaires. Par ailleurs, peu de collectivités développent des politiques globales de végétalisation.

À l’initiative de Guyane développement innovation (GDI)*, une étude avait conclu à l’opportunité de renforcer les filières du végétal spécialisé, à condition de sortir du cadre strict des usages ornementaux.

Un secteur porteur de nombreuses voies d'innovation

Du 28 au 30 janvier dernier, GDI s’est associée à la communauté de communes des Savanes (CCDS), autour de la ville de Kourou**, pour organiser les premières Rencontres professionnelles du végétal spécialisé, autour du slogan : « des plantes et des fleurs au service du territoire ».

Pour Karine Rinna, responsable bioressources à GDI, le secteur est porteur de nombreuses voies d’innovation, que ce soit pour l’aménagement du territoire, les produits biosourcés et solutions de génie végétal, la valorisation de la biodiversité. « Nous nous sommes initialement intéressés au secteur après la demande d’un industriel européen voulant connaître les vertus d’une orchidée pour la cosmé­tique. Nous avons découvert que le potentiel d’innovation de la filière était bien plus large et méritait d’être accompagné, y compris au plan organisationnel, pour se déployer. C’est pourquoi nous avons lancé­ cette idée de rencontres pluridis­ciplinaires. »

Le format d’échanges en ateliers théma­tiques a été retenu afin de croiser les regards de différents acteurs, favoriser la mise en réseau et l’émergence de projets collaboratifs. Plus de cent personnes ont participé à un ou plusieurs des six ateliers, couvrant tout le spectre des usages du végétal (lire l’encadré). Les visites programmées ont permis de découvrir les activités liées à l’agroforesterie et l’extraction d’essence de bois de rose, une collection de palmiers (palmetum) labellisée par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS) ainsi que le fleurissement de la commune de Sinnamary.

Ces échanges se sont traduits par une centaine de propositions. Elles confirment l’opportunité de développer et structurer la filière guyanaise du végétal spécialisé autour d’une approche multifonctionnelle, en réponse à de nombreux enjeux de territoire : cadre de vie, développement agricole, résilience et biodiversité, lien social et solidarité, attractivité territo­riale, avec plusieurs axes forts :

•importance d’approches transversales décloisonnées associant l’ensemble des acteurs pour chacun des axes explorés ;

forte spécificité de la Guyane, autour de l’agroforesterie et des espèces indigènes ;

•lien et synergies entre biodiversité, savoirs traditionnels et développement de filières professionnelles, dans une logique de partage des connaissances et des savoir-faire ;

•nécessité de structurer la profession et l’offre, ainsi que les actions promouvant une plus grande place du végétal dans les politiques du territoire ;

•besoin de soutenir cette stratégie de développement du végétal par des politiques publiques et des moyens incitatifs, à la fois en direction des professionnels, des acteurs associatifs et des services, ce qui passe de fait par une plus grande sensibilisation des élus ;

accompagner les projets d’amé­nage­ment paysager par des actions pédagogiques à destination du public, afin que les citoyens puissent les respecter et même se les approprier.

Une volonté de se regrouper en associations

Parmi les retombées de ces rencontres, la plus importante est sans doute la volonté des professionnels de se regrouper en associations. Pour Gilles Sanchez, président de l’interprofession végétale Ifiveg, il s’agit de les mettre en capacité de saisir ces opportunités. « Isolés dans nos exploitations, nous n’avons que très peu de moyens de nous faire entendre. L’association aura pour objet de promouvoir les usages du végétal sous toutes ses formes, de struc­turer l’offre et de répondre aux besoins­ de ses adhérents. »

Autre avancée prometteuse, la constitution d’un groupe de travail pour mettre en place un jury des villes et villages fleuris, avec déjà deux communes candidates au sein de la CCDS.

Ces rencontres ont également permis d’initier ou de renforcer les échanges avec les instituts techniques Astredhor et Armeflhor (île de La Réunion) pour l’horticulture, Iteipmai pour les plantes à parfum, médicinales et aromatiques, socle indispensable à la construction de projets collaboratifs communs.

Enfin, les rencontres ont mis en lumière l’impact positif des collections d’espèces emblématiques pour la biodiversité et l’attractivité du territoire. Aux côtés du palmetum et du jardin botanique d’or­chidées, la labellisation par le CCVS d’une collection de « taxons forestiers pour la restauration écologique de terrains dégradés en Guyane française » porte à trois le nombre de collections végétales labellisées dans ce département.

Même si la relation au végétal n’est pas la même qu’en métropole et si la situation délicate liée à l’épidémie de Covid-19 com­plique la mobilisation des professionnels, la richesse des échanges durant ces rencontres confirme tout le bénéfice de mettre les plantes au cœur de stratégies de territoire. Cette dynamique naissante mérite d’être soutenue et accompagnée par les pouvoirs publics.

Marie-Françoise Petitjean

*Guyane développement innovation est une agence­ régionale qui a pour mission de soutenir le développement durable et pérenne de l’économie guyanaise. Elle accompagne les projets d’innovation, soutient l’activité économique, en partenariat avec les acteurs du territoire. https://www.ardi-gdi.fr/

**La CCDS regroupequatre communes : Kourou, Iracoubo, Saint-Élie et Sinnamary.

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